Audrey Marcourt

Les obligations alimentaires : qui en bénéficie et qui en est redevable ?

Sommaire

L'obligation alimentaire, c'est quoi ?

Cette obligation s’applique entre ascendants et descendants, c’est-à-dire entre des parents et leurs enfants, et réciproquement.

L’obligation alimentaire oblige à fournir à une autre personne, à laquelle on est lié par un lien de famille, des moyens de subsistance.

Il ne faut pas la confondre avec le devoir de secours auquel sont mutuellement tenus les époux : il s’agit d’une obligation morale et légale et constitue une aide matérielle ou financière tant que le mariage subsiste.

Bon à savoir
Ce devoir de secours prime sur l’obligation alimentaire due par les enfants (jusqu’à un éventuel divorce).

Il ne faut pas non plus la confondre avec la prestation compensatoire. Le juge alloue cette somme lorsqu’à la suite d’un divorce, l’un des deux époux subit une différence de niveau de vie, par exemple, lorsqu’une femme au foyer n’a pas de revenu et que son mari est le seul à contribuer aux besoins du foyer.

L’obligation alimentaire se nomme couramment « pension alimentaire » quand elle est due par un parent à l’autre parent . Ici elle sert à compenser la charge de l’éducation de l’enfant par l’autre parent.

Elle a vocation aussi pour combler ses besoins élémentaires.

Qui est tenu à une obligation alimentaire ?

Les enfants sont tenus à cette obligation alimentaire envers leurs ascendants de manière générale, c’est-à-dire leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents et autres ascendants en ligne directe.

Cette obligation est réciproque. A noter que cette obligation s’applique également aux enfants adoptés.

Les gendres et belles-filles ont une obligation à l’égard de leurs beaux-parents et inversement.

Bon à savoir 
Ni les frères et sœurs, ni les autres collatéraux (cousins, oncles et tantes) ne sont tenus à cette obligation.

A quoi sont tenus les ascendants ?

Les parents doivent subvenir aux besoins essentiels de l’enfant soit : la nourriture, le logement, les vêtements, les dépenses médicales et les dépenses liées à son éducation (l’ensemble des frais d’études et de formation).

Les grands-parents, les arrière-grands-parents et peuvent être tenus d’une obligation alimentaire envers leurs descendants, sous deux réserves :

  • cette obligation est moins large puisque ces ascendants vont contribuer seulement aux besoins vitaux de l’enfant, et non à ses dépenses d’éducation par exemple.
  • elle est subsidiaire de celle des parents : elle n’existe que si les parents ne remplissent pas leur devoir ou s’ils ne contribuent pas suffisamment aux besoins essentiels de l’enfant.

A quoi sont tenus les descendants ?

Les enfants sont eux-aussi tenus d’une obligation alimentaire envers leurs parents et autres ascendants en ligne. Cette obligation couvre tous les besoins indispensables des bénéficiaires : la nourriture, le logement, les frais de santé, les vêtements etc.

A noter que les enfants n’ont pas d’obligation solidaire entre eux, ce qui veut dire qu’un enfant ne peut pas être tenu de payer la part due par un de ses frère et/ou sœur.

Par ailleurs l’obligation est définie en fonction des ressources de chacun. Si les enfants disposent eux-mêmes de faibles ressources, ils peuvent être dispensés de payer une quelconque pension.

Bon à savoir 
Les enfants doivent aussi supporter les frais funéraires liés au décès de leurs ascendants à proportion de leurs moyens financiers, et ce y compris lorsqu’ils ont renoncé à la succession.

Quelles sont les conditions pour être bénéficiaire / redevable d’une obligation alimentaire ?

L’obligation alimentaire est soumise à des conditions de nécessité et de proportionnalité.

La nécessité

La personne qui revendique à son profit une obligation alimentaire doit se trouver dans un état de nécessité, cela n’étant pas exigé pour les enfants mineurs.

Quand il s’agit d’un majeur ascendant ou descendant, ses revenus doivent être insuffisants pour répondre aux besoins indispensables tels que la nourriture, le logement… Ces besoins essentiels sont appréciés souverainement par les juges et évalués en tenant compte de plusieurs circonstances : âge, état de santé, capacité, situation familiale de l’intéressé, etc.

Sont pris en compte :

  • ses revenus issus d’une activité professionnelle (salaires, bénéfices agricoles ou commerciaux, droits d’auteur…)
  • les aides sociales qu’il perçoit (RSA, allocation familiale, allocations chômage…)
  • ses revenus fonciers ou mobiliers
  • les revenus du conjoint, du concubin ou du partenaire de Pacs

Le coin du juriste

Le demandeur ne peut pas se voir opposer un refus d’obligation alimentaire s’il a gaspillé ses ressources financières, s’il a mal géré ses revenus et/ou son patrimoine, s’il a été condamné pénalement.

Le droit est globalement indifférent à l’égard des raisons expliquant la précarité du demandeur. L’oisiveté constitue le seul motif pouvant justifiant un tel refus, par exemple si le demandeur n’exploite pas son patrimoine ou qu’il refuse d’aller travailler, il ne pourra pas revendiquer une obligation alimentaire.

La proportionnalité

La personne tenue d’une obligation alimentaire contribue aux besoins du demandeur à proportion de ses moyens financiers. Tous ses revenus sont pris en compte pour évaluer ses capacités contributives et les sommes qu’il doit payer, et ce après déduction de ses charges familiales, de ses dépenses quotidiennes (nourriture, loyers, frais de transport…) et de son taux d’endettement.

En revanche, les revenus du conjoint, du concubin ou du partenaire de Pacs du débiteur de la pension n’entrent pas en jeu dans l’appréciation de ses facultés contributives puisque l’obligation alimentaire est personnelle.

Dans quels cas un juge peut-il refuser le versement de cette obligation ?

.Le débiteur de la pension alimentaire peut échapper à son obligation en cas de manquement grave et volontaire de la part du demandeur de la pension, appelée également dispense pour indignité

En d’autres termes, le demandeur perd son droit de bénéficier de l’obligation alimentaire lorsqu’il ne satisfait pas à ses propres obligations vis-à-vis de son débiteur, et ce que ce dernier soit ascendant ou descendant.

Toutefois, cette exonération ne concerne pas l’obligation d’entretien et d’éducation des enfants qui pèse sur les parents, quelle que soit l’attitude de l’enfant.

En revanche, un enfant n’a pas d’obligation alimentaire à l’égard d’un parent privé d’exercer son autorité parentale.

Seul le Juge aux affaires familiales est compétent pour apprécier cette indignité.

Exemples de situation

Un enfant majeur ayant agressé plusieurs fois ses parents ne peut pas revendiquer de dette alimentaire. 

Le père ou la mère qui n’a jamais rendu visite à son enfant, ni pris de ses nouvelles durant sa jeunesse ne peut pas revendiquer une pension alimentaire.

La mère qui paie irrégulièrement la pension alimentaire à sa charge peut toujours prétendre à une obligation alimentaire : l’enfant ne pourra pas se décharger de son obligation alimentaire en invoquant cette irrégularité. 

Les grands-parents ne peuvent pas se décharger de leur obligation alimentaire en invoquant le fait que leurs petits-enfants ne leur rendent jamais visite.

Quand cesse cette obligation alimentaire ?

Cette obligation des parents ne cesse pas lorsque l’enfant atteint sa majorité puisque les parents doivent également prendre en charge les dépenses liées à ses études supérieures. Elle prend fin uniquement lorsque l’enfant devient financièrement indépendant, plus précisément lorsque l’enfant trouve un emploi régulier

Bon à savoir 
L’article 373-2-5 du code civil permet au juge de décider des conditions de versement de l’obligation alimentaire et, éventuellement, directement entre les mains de l’enfant à sa majorité.

L’obligation alimentaire due par les gendres et belles-filles (et inversement par les beaux-parents) s’arrête lors :

  • du décès de l’époux qui produisait l’affinité
  • du décès des enfants issus de l’union
  • lors du divorce ou de l’annulation du mariage.

Concrètement, si l’époux décède mais que sa femme est toujours en vie et que leur enfant est encore vivant également, l’épouse pourrait être tenue à une obligation alimentaire envers ses beaux-parents.

Comment obtenir une pension alimentaire ?

En principe, la demande en justice ne concerne pas la période antérieure à l’assignation . Toutefois, si l’intéressé parvient à prouver deux choses son état de nécessité avant sa demande en justice et l’absence de renonciation de sa part à sa pension alimentaire, il peut alors obtenir la prise en charge pour la période qui précède.

 
En toute hypothèse, la pension alimentaire demandée ne couvre pas les aliments datant de plus de cinq ans avant la demande en justice.

Bon à savoir 
L’avocat n’est pas obligatoire et le tribunal à saisir est soit celui du demander soit celui du défendeur.

On peut procéder par une assignation, requête d’un seul des deux parents ou requête conjointe. A noter que les établissements publics de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux (EHPAD, maisons de retraite etc.) peuvent également saisir la justice pour une procédure faisant intervenir l’obligation alimentaire, lorsque le patient ne peut payer ses frais d’hospitalisation.

Est-il possible de faire réviser le montant de la pension ?

Il est possible de demander au Juge aux affaires familiales une révision ou une suppression de la pension alimentaire lorsqu’un événement affectant la situation du bénéficiaire ou de la personne tenue à la pension le justifie.

Par exemple, le décès du bénéficiaire ou de la personne tenue au paiement de la pension justifie la suppression de l’obligation alimentaire : l’amélioration de la situation patrimoniale du bénéficiaire justifie une diminution de la pension alimentaire exigée.

La suppression ou la révision de la pension alimentaire s’applique à compter du jour où le jugement est définitif.

Quels sont les recours en cas d’impayés ?

Dans le cas où la personne redevable de la pension ne paye pas, plusieurs recours sont envisageables.

La médiation familiale

Elle découle souvent d’un accord amiable entre les parties mais le juge peut en décider les modalités.

La saisine de la CAF ou de la MSA

Elle est possible dès le premier impayé ou versement incomplet. Il suffit alors de présenter la copie de la décision de justifiant octroyant la pension alimentaire. Cette procédure permet de revenir sur les deux dernières années.

La saisine d’un commissaire de Justice 

  • Pour une procédure de paiement direct

    Ici un commissaire de justice intervient dès le premier impayé en présentant la décision de justice octroyant la pension. Cette procédure concerne les paiements à venir et ceux des six derniers mois.

  • Pour une procédure de saisie bancaire ou saisie-vente
    Il faut là aussi présenter au commissaire de justice copie du titre exécutoire octroyant la pension.
 

La saisine du juge de l’exécution

Cette procédure judiciaire permet d’obtenir l’exécution forcée du jugement par le biais d’une saisie sur salaire notamment.

La saisine du Trésor Public

Il s’agit d’une procédure qui permet au Trésor Public de recouvrer les sommes impayées.Le Trésor Public intervient en lieu et place du créancier, lorsque l’une des procédures ci-dessus évoquées a échoué. Ilne peut recouvrer des arriérés dus que pour une période de six mois maximum.

La procédure est gratuite pour le créancier.

En revanche, celui qui doit la pension supporte une taxe de 10% de frais de recouvrement et poursuites.

Le dépôt de plainte pour abandon de famille

Le manquement à ses obligations familiales pendant plus de deux mois constitue un abandon de famille.

C’est par exemple le cas lorsqu’une personne s’abstient de payer l’obligation alimentaire qu’elle doit à un parent.

Il s’agit d’un délit pénalement sanctionné (article 227-3 du code pénal). Il existe trois conditions à ce délit :

  • L’existence d’une décision de justice octroyant une obligation alimentaire
  • La non-exécution de l’obligation depuis plus de deux mois
  • la volonté manifeste (le fait de rencontrer des difficultés financières pour s’exécuter ne constitue pas un abandon de famille)

Ce délit se sanctionne par une peine de deux ans de prison et une amende de 15 000 euros

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