Audrey Marcourt

Droit-fiction : le Métavers, une zone de non-droit ?

Le Métavers est un monde virtuel et multiple aux frontières floues avec le monde réel. Dans ce monde virtuel, les utilisateurs représentés par des avatars peuvent interagir avec d’autres personnes et d’autres lieux. Alors se pose la question de la régulation de ces interactions sociales et économiques. Le droit existant est-il adapté à ces nouveaux mondes virtuels ? Ou devra-t-on créer un droit du métavers ? Nos juristes se sont livrés à un petit exercice de prospective. Voici un petit florilège des questions qui se posent.

L’abandon du domicile conjugal dans le Métavers une cause de divorce ?

Comme dans le monde réel, les avatars vont se rencontrer, se fréquenter et établir des échanges entre eux. Il y aura alors naissance de relations juridiques. Et comme dans le monde réel, ces relations sociales pourront déraper, aboutissant au mieux à une mésentente, au pire à des infractions plus graves comme des agressions.

L’avatar a-t-il des droits, et donc des obligations ?
Les avatars seront-ils dotés d’une personnalité juridique ou seront-ils vus comme l’extension de la personnalité de leur utilisateur ?
Auront-ils des droits ? Droit à l’image, droit à la sécurité etc. Leur liberté d’expression sera-t-elle indépendante de celui qu’ils « représentent », ou leurs propos engageront-ils la responsabilité de leur utilisateur ?
Comment éviter que le Métavers, espace d’expression, ne devienne un déversoir pour extrémisme en tout genre ?
Comment protéger l’identité des avatars et éviter les usurpations d’identité ?

 

Le titre de propriété de mon land était un faux, puis-je me retourner contre l’avatar qui me l’a vendu ?

Comme dans le monde réel, les utilisateurs pourront faire des transactions, posséder des biens, les vendre, les louer, investir, créer, produire, posséder des actifs numériques etc. Les entreprises pourront avoir « pignon sur rue » et y établir leur business, vente ou prestation de service.

Toutes ces activités feront naître des droits et obligations entre les individus, matérialisés dans des contrats. Et comme dans le monde réel, la bonne exécution de ces contrats pourra être source de conflits.

Malversations ou mauvaise exécution d’un contrat, qui sera responsable : l’avatar ou son créateur ?

 

Mes NFT et gains réalisés dans le Métavers doivent-ils figurer sur ma déclaration de revenus ?

Le Métavers est un espace où les affaires vont se développer. Certains avatars, particuliers comme professionnels, vont cumuler les gains : créer un patrimoine virtuel, être titulaire de droits de propriété, vendre, acheter etc. Toutes ces transactions financières vont bien sûr faire naître des obligations fiscales.

Comment récupérer l’impôt sur ces gains dans le Métavers : impôt sur le revenu virtuel ou est-ce que les revenus du Métavers vont devenir une nouvelle catégorie de gains taxables une fois perçus par le vrai contribuable ?

 

Mon voisin me « cherche des noises » dans le Métavers : à quel juge m’adresser ?

Faudra-t-il pour régler les litiges dans le métaverse créer des tribunaux virtuels, ou les régler dans le monde réel ?

Si ces conflits sont arbitrés par des tribunaux virtuels, qu’en sera-t-il de l’exécution des jugements ? Quels moyens de pression utiliser ?

La sanction sera-t-elle pour l’avatar ou ces tribunaux pourront prononcer des sanctions de droit commun applicables aux utilisateurs dans le monde réel ?
Engage-t-on sa responsabilité dans la vie réelle pour des faits commis dans le Métavers?

 

Et si un crime est commis dans le Métavers ?

Dans quel monde sanctionner les atteintes contre les personnes ?

D’ailleurs, qui sont les personnes : les avatars, les utilisateurs ?

Dans le cas d’une agression sexuelle contre un avatar, peut-on considérer cette agression comme une véritable agression ?

Si l’on considère la question du consentement, qui doit l’exprimer ? L’avatar ou son utilisateur ?

Le droit pénal existant pose des principes. Mais seront-ils applicables dans le Métavers ? Pas évident si l’on se souvient du principe nullum crimen, nulla poena sine lege (il ne peut y avoir ni infraction ni peine sans loi). Ce principe de la légalité des crimes et des peines suppose qu’une incrimination ne puisse exister sans avoir été prévue par un texte. Mais le législateur d’alors n’évoquait pas le Métavers ; devra-t-on adapter chacune des incriminations au Métavers ?

 

En conclusion

Beaucoup de questions (au-delà de cet aperçu), et encore bien peu de réponses. On le voit bien, le Métavers, qui ressemble à notre monde réel, pose des problématiques bien à lui. Ce sera désormais aux professionnels du droit (juges, avocats, législateur) de poser le cadre juridique nécessaire à son développement.

Affaire à suivre…

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