Sebastien Moutoussamy

Discipline scolaire : mode d’emploi

En matière de discipline scolaire, les régimes applicables aux établissements publics et privés peuvent diverger. 

La principale différence réside dans le fait que l’école est gratuite dans le public et payante dans le privé. Il est à noter qu’il existe deux types d’établissements privés : les établissements privés sous contrat, les établissements privés hors contrat. 

Les établissements sous contrat ont signé une convention avec l’Etat. Cela leur permet de bénéficier de subventions qui vont servir à financer leur fonctionnement. 

Les établissements hors contrat n’ont, a contrario, pas signé de contrat avec l’Etat. Ils ne bénéficient donc pas de subventions de l’Etat. Cela a un impact sur le montant des frais de scolarité qui sont généralement plus élevés. A noter également qu’ils ne sont pas obligés de suivre les programmes élaborés par l’Education nationale dès lors que les enfants acquièrent les connaissances du socle commun de compétences.

Sommaire

Mon enfant subit une sanction en raison de sa tenue vestimentaire ou s’est vu interdire le port d’un type de vêtement, quel recours puis-je exercer ?

Selon les dispositions du Code de l’éducation, le règlement intérieur définit les règles de vie au sein de l’établissement. Le port d’une tenue correcte peut être prescrit.

En réalité, la marge de manœuvre du chef d’établissement est très limitée. En effet, les élèves sont libres de se vêtir comme ils le souhaitent. Il s’agit là d’une liberté fondamentale.

Ainsi, le chef d’établissement peut intervenir en cas de menace à l’ordre public ou risque pour l’hygiène et la sécurité.

Quelles sont les règles relatives au port de signes religieux ?

L’article L.141-5-1 du Code de l’éducation prohibe le port des signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles publiques. 

Quelques exemples de signes religieux jugés ostensibles : 

Le voile dit islamique, quel qu’il soit, la kippa, le turban sikh, le bindi hindou, les croix de dimension manifestement excessive etc.

Récemment, la question du port de l’abaya et du qamis a été largement médiatisée. La décision interdisant ces tenues a fait l’objet d’un recours judiciaire mais le Conseil d’Etat a décidé d’avaliser ladite interdiction par une décision du 7 septembre dernier, jugeant « qu’il n’est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». 

A l’inverse, la règlementation autorise le port de signes religieux discrets au titre de la liberté d’expression (un petit pendentif en croix, en étoile de David ou autre peut donc être porté).

En cas de non-respect de ces dispositions, les règles habituelles en matière de discipline s’appliquent.

Mon enfant a une retenue après l’école, puis-je m’y opposer ?

Tous les agents de l’établissement (de direction, d’éducation ou de surveillance) peuvent attribuer des punitions inscrites dans le règlement intérieur à un élève. La sanction, doit poursuivre un but éducatif et de responsabilisation.

Il est à noter que les chefs d’établissement informent les parents par écrit.

Bien que les parents ne puissent pas réellement s’opposer à la retenue, il leur est toujours possible d’écrire au chef d’établissement ou au directeur académique s’ils estiment la retenue injustifiée ou disproportionnée.  

En tout état de cause, on ne peut contester ce type de sanctions, car il s’agit d’une mesure d’ordre intérieur.

Quelles sont les punitions ou sanctions pouvant être prononcées à l’encontre de mon enfant ?

Il existe trois types de mesures en fonction de la gravité des faits : punitions, mesures de prévention et sanctions.

Toute punition ou sanction doit nécessairement être :

  • individuelle (la punition collective est interdite) 
  • prévue par le règlement intérieur 
  • proportionnée au manquement de l’élève 
  • à but éducatif 
  • être portée à la connaissance des parents.

Les punitions

L’établissement peut punir l’élève en cas de manquement mineur ou en cas de comportement perturbateur. 

L’enseignant ou le personnel de l’établissement (directeur, personne d’éducation, surveillant) peuvent en être à l’origine. Elles ne peuvent faire l’objet de recours et ne font l’objet d’aucune mention au dossier scolaire.

Les mesures de prévention et temporaire

La mesure de prévention : il s’agit d’une mesure prise dans le but d’éviter qu’un acte dangereux ne se produise. Cela peut consister en la confiscation d’un objet dangereux ou interdit.

La mesure temporaire : il s’agit d’une mesure qui permet d’assurer le maintien de l’ordre dans l’établissement lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée à l’encontre d’un élève. Un élève peut par exemple se voir interdire l’accès à l’établissement jusqu’à la tenue du conseil de discipline.

Aucune contestation n’est possible. 

Les sanctions

La sanction est une mesure destinée à punir un manquement grave ou répété. Elles sont au nombre de six et nous les développerons à la question suivante. 

Quelques exemples de punitions interdites : 

  • tout châtiment corporel est interdit 
  • la note 0 ne peut pas être donné à titre de sanction 
  • en primaire, un élève ne peut être privé totalement de sa récréation 
  • Les lignes à écrire un certain nombre de fois sont proscrites, n’ayant pas de caractère pédagogique.

 Les punitions ou sanctions sont-elles différentes selon le niveau d’étude ?

La réponse est oui !

Il faut savoir qu’il n’existe pas à proprement parler de sanction pour le premier degré, sauf cas exceptionnel. En revanche, dans le second degré, différentes mesures allant jusqu’à l’exclusion peuvent être prises.

Dans le 1er degré (maternelle et élémentaire)

Maternelles et élémentaires publiques

Pour les écoles maternelles et élémentaires publiques, le règlement intérieur prévoit différents types de mesures. Ces décisions doivent toujours favoriser l’épanouissement individuel de l’enfant.

Toutefois, aucune sanction ne peut être prise à l’encontre de l’enfant. Des réprimandes peuvent être faites mais elles ne doivent pas porter atteinte à l’intégrité morale ou physique de l’enfant et doivent être portées à la connaissance des parents. Dans certains cas, pour des faits graves tels que des violences, il peut être décidé d’un changement d’école.

Les principales mesures pouvant être envisagées sont :

  • L’isolement : pour un élève dont le comportement est temporairement difficile, celui-ci peut être isolé mais sous surveillance de manière à lui faire retrouver un comportement socialement adapté.
  • Le retrait provisoire : lorsque le comportement de l’enfant perturbe durablement et gravement le fonctionnement de la classe, il peut être décidé le retrait provisoire de l’enfant.

La procédure suivante doit être obligatoirement respectée pour le retrait provisoire mais aussi pour le changement d’école :

  • examen de la situation par l’équipe éducative accompagnée par le médecin scolaire et/ou un membre du réseau d’aide spécialisée 
  • après l’examen, le directeur et l’inspecteur de l’Education nationale entendent les parents avant de prendre leur décision. Une éventuelle période de probation peut être décidée. Le changement d’école relève de l’inspecteur de l’Education nationale, sur proposition du directeur, avec avis du conseil d’école 
  • en cas de retrait provisoire, le directeur de l’école doit garder un contact régulier avec les parents afin de favoriser un retour rapide de l’enfant 
  • en cas de changement d’école, les parents sont consultés sur le choix de l’établissement proposé et peuvent faire appel de la décision devant l’inspecteur d’académie.

Maternelles et élémentaires privées

Dans le privé, c’est le règlement intérieur qui régit l’intégralité des rapports entre l’établissement et les parents de l’enfant.

Dans le second degré (collège et lycée)

Il existe une liste non-exhaustive de punitions et sanctions pouvant être données en cas d’indiscipline, dressée par une circulaire n° 2014-059 de l’Education nationale. Cette liste sert de base à l’élaboration des règlements intérieurs et mentionne par exemple : le rapport porté sur le carnet de correspondance, l’excuse publique (orale ou écrite), le devoir supplémentaire, la retenue.

L’enfant qui a commis les actes réprimandés pourra, à l’initiative du chef d’établissement, faire l’objet d’une procédure disciplinaire si cela est prévu dans le règlement intérieur. Il est à noter que le chef d’établissement a l’obligation règlementaire d’engager une procédure disciplinaire quand un élève a commis un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un autre élève.

Il existe six types de sanctions :

  • L’avertissement

C’est la sanction la moins grave. Il s’agit d’un courrier envoyé à la famille d’un élève qui a accumulé les sanctions ou les comportements blâmables. Le courrier a pour but de lui enjoindre de changer d’attitude, à défaut de quoi une autre sanction plus grave devrait être prise à son encontre.

  • Le blâme

Il s’agit d’une réprimande écrite et solennelle destinée à faire comprendre à l’élève la gravité de sa faute et lui permettre de s’en excuser. Il peut être accompagné d’une mesure d’accompagnement de nature éducative.

  • La mesure de responsabilisation

Il s’agit d’une sanction qui oblige l’élève à participer à des activités culturelles, de solidarité, éducatives ou de formation et constitue parfois une alternative à l’exclusion temporaire. Ces activités ont lieu en dehors des heures d’enseignement et ne peuvent excéder vingt heures. 

  • L’exclusion temporaire de la classe (maximum huit jours)

Cette mesure permet d’exclure temporairement l’élève de sa classe. Pendant toute la durée de l’exclusion de la classe, l’élève reste sous la responsabilité de l’établissement. Il convient de la distinguer de l’exclusion du cours qui relève du régime des punitions.

  • L’exclusion temporaire de l’établissement (maximum huit jours)

Cette mesure consiste à exclure l’élève de l’établissement scolaire mais est limitée à huit jours, de façon à ne pas compromettre la scolarité de l’élève.

  • L’exclusion définitive de l’établissement

Elle est la sanction la plus grave pouvant être prononcée et doit rester exceptionnelle. Que l’enfant soit encore concerné par l’obligation d’être scolarisé ou non (selon qu’il a plus ou moins de 16 ans).

Il faut alors prévoir sa scolarisation dans un autre établissement après son exclusion.

Toutes les sanctions peuvent être décidées soit par le chef d’établissement, soit par le conseil de discipline en fonction du règlement intérieur, sauf l’exclusion définitive (le conseil de discipline est seul compétent pour la décider).

Comment se passe la procédure quand le chef d’établissement décide seul ?

Lorsqu’il décide de se prononcer seul, le chef d’établissement doit informer l’élève ainsi que son représentant légal, des faits reprochés. Il lui précise qu’il a un délai de deux jours ouvrables minimum pour présenter ses explications oralement, par écrit ou en se faisant représenter par la personne de son choix (article R421-10-1 du Code de l’Education).

Comment contester ?

Dans le public

Deux types de recours sont possibles.

  • Le recours gracieux

L’enfant majeur ou le représentant légal de l’enfant mineur peuvent présenter un recours gracieux auprès du chef d’établissement. S’il est présenté auprès de l’autorité académique, ce recours est appelé hiérarchique. Ces recours doivent être effectués dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sanction.

  • Le recours contentieux

Un recours contentieux devant le tribunal administratif peut être introduit à l’encontre de la sanction contestée, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci.

Il est à noter que le recours contentieux peut également être utilisé pour contester le rejet d’un recours gracieux ou hiérarchique préalablement effectué.

Dans le privé

Toute contestation devra être portée devant le tribunal judiciaire, le tribunal administratif étant totalement incompétent pour trancher d’un litige considéré comme contractuel, puisque opposant l’établissement aux parents dans le cadre d’un contrat privé.

Comment se passe la procédure devant le Conseil de discipline ?

Le chef d’établissement décide seul de réunir le conseil de discipline. Un membre de la communauté éducative peut éventuellement faire cette demande, que le chef d’établissement est libre de refuser (le refus doit être motivé). Il est à noter que le conseil doit obligatoirement se réunir dès lors qu’un membre du personnel a été victime de violences verbales ou physiques ou qu’un élève a commis un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un autre élève.

Lorsqu’une réunion est décidée, l’élève (ou son représentant légal si mineur) est informé des faits reprochés et de la possibilité de présenter sa défense (oralement, par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix). 

  1. La convocation

Le chef de l’établissement adresse, au minimum cinq jours avant la date retenue pour la séance :

  • par un courrier recommandé avec accusé de réception ou remis en mains propres, une convocation à l’élève ou à son représentant légal (s’il est mineur) ainsi qu’à la personne éventuellement chargée de présenter sa défense ;
  • une convocation par tout moyen, y compris par télécopie ou par courrier électronique, dans le même délai que précédemment mentionné, aux membres du conseil de discipline ainsi qu’à la personne ayant demandé au chef d’établissement la comparution de l’élève ; aux témoins ou aux personnes et, s’ils sont mineurs, leur représentant légal susceptibles d’éclairer le conseil de discipline sur les faits motivant la comparution de l’élève (article D. 511-31 du Code de l’Education).

 

  1. La réunion

Lors de la réunion, le conseil est tenu d’entendre :

  • l’élève et le représentant légal ou la personne en charge de le représenter 
  • deux professeurs de la classe en cause ainsi que les deux délégués de classe 
  • enfin, toute personne de l’établissement, témoins ou autres personnes pouvant apporter des précisions complémentaires alimentant le débat et ayant fait l’objet de la convocation à la réunion.
  1. La sanction

La loi impose de rechercher la mesure la plus juste mais également la plus utile. Il est donc nécessaire qu’elle soit proportionnée. Le conseil choisit parmi les six différentes sanctions précédemment citées.

Une fois la décision rendue, le président du conseil doit la notifier immédiatement à l’élève à son représentant légal ou à la personne chargée de le représenter.

Le jour même, un courrier recommandé doit être adressé pour confirmer la sanction à l’élève, en rappelant les délais et voies de recours (D. 511-42 du code de l’éducation).

Bon à savoir

Il est tout à fait possible qu’en parallèle de cette procédure disciplinaire se déroule une procédure pénale. Les deux sont totalement indépendantes (dans le cas de violences notamment ou de vol, une plainte peut être déposée contre l’auteur des faits, en parallèle de la procédure disciplinaire engagée dans le but d’exclure l’élève). 

A noter qu’une absence de condamnation au pénal n’empêche en rien la poursuite de la procédure d’exclusion.

Quel recours exercer ?

Ici, il est obligatoire d’effectuer les recours préalables avant toute saisine du tribunal administratif, dès lors que la sanction a été établie par le conseil de discipline.

  • Le recours administratif

La décision rendue par le conseil de discipline peut être contestée par l’élève s’il est majeur ou par son représentant légal, dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite. Le chef d’établissement peut également s’opposer à la mesure proposée.  Il s’agit d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) (art. R. 511-53 du Code de l’éducation).

Il appartient alors au recteur de l’académie de se positionner sur le maintien ou la modification de la sanction après avis d’une commission académique dans un délai maximum d’un mois à compter de la réception de l’appel.

A noter que lorsque la décision est déférée au recteur d’académie, la sanction reste toutefois exécutoire.

Afin de se prononcer, le recteur doit réunir la commission académique qui comprend un inspecteur, un chef d’établissement, un professeur et deux représentants d’élèves, nommés par le recteur. La commission émet alors un avis à la majorité de ses membres. Le recteur prend ensuite sa décision.

Cette décision individuelle est inscrite dans le dossier administratif de l’élève.

  • Le recours contentieux en annulation de la sanction

Comme indiqué ci-dessus, le recours auprès du recteur est obligatoire avant tout recours contentieux (article R. 511-49 du Code de l’éducation).

Si la décision est défavorable, il est possible de saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de sa notification aux fins d’annulation de la sanction. Dans ce cas, le juge opère un contrôle de proportionnalité en vérifiant notamment l’adéquation de la sanction à la faute commise, le respect du contradictoire, le respect des règles de forme, etc.

Lorsque le juge annule la sanction, celle-ci est effacée du dossier scolaire et l’élève peut demander sa réintégration dans l’établissement.

Les autres procédures existantes

  • Le référé-suspension: comme indiqué précédemment, lorsque la décision fait l’objet d’un RAPO devant le recteur, elle demeure exécutoire. Le seul moyen de contrer ses effets est d’introduire un référé suspension devant le juge qui peut suspendre l’exécution de la sanction à deux conditions :
  • L’urgence : l’urgence est retenue quand un élève est par exemple déscolarisé mais ne l’est pas quand il est réinscrit dans un autre établissement ou que la sanction était assortie d’un sursis ;
  • le doute sérieux quant à la légalité de la décision.
  • Le recours indemnitaire
  • Il s’agit d’un recours ne pouvant, par sa nature, être introduit qu’à condition d’avoir obtenu l’annulation de la sanction. Il a pour but d’obtenir une indemnisation en réparation du préjudice subi du fait de la sanction.

 

Dans le privé : 

Pour  contester il faudra saisir le tribunal judiciaire, le tribunal administratif étant totalement incompétent pour trancher d’un litige considéré comme contractuel, puisque opposant l’établissement aux parents dans le cadre d’un contrat privé.

Le coin du juriste

Toutes les sanctions, autres que l’avertissement et le blâme, sont susceptibles d’être prononcées avec un sursis.

Quand le chef d’établissement se prononce seul, il est possible de saisir le tribunal administratif. Par ailleurs, ces recours n’ont pas d’effet suspensif sur les sanctions qui s’appliquent dès leur prononcé.

L’assistance d’un avocat est-elle possible ? OUI ! L’élève peut être représenté par toute personne de son choix, dont un avocat. L’avocat peut demander au chef d’établissement l’accès au dossier de l’élève.

L’accès à l’établissement peut être interdit à l’élève en attendant la tenue du conseil de discipline. Cette décision, n’étant pas une sanction à proprement parler, n’est pas susceptible de recours.


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