Audrey Marcourt

Harcèlement scolaire : comment y faire face ?

Sommaire

Les médias relaient de nombreux cas de harcèlement scolaire afin de sensibiliser le grand public à ce phénomène souvent silencieux. Il s’agit aussi de permettre aux victimes de dénoncer ces agissements.

Le 10 novembre dernier, le Ministère de l’Education nationale a lancé la campagne 2022-2023 contre le harcèlement à l’école.

Qu’est-ce que le harcèlement scolaire ?

La question du harcèlement scolaire est une préoccupation pour tous et les faits divers qui s’y rapportent sont régulièrement évoqués dans l’actualité.

Désormais, c’est une infraction dans le Code pénal (article 222-33-2-2), se définissant comme le « fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie, se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ».

Ces faits constituent une harcèlement scolaire « lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement » (article 222-33-2-3).

Il se distingue de la discrimination, qui consiste à traiter une personne différemment en raison d’une caractéristique spécifique telle que l’origine, le sexe, etc.

Comment reconnaître les situations de harcèlement scolaire ?

A chaque situation, on trouve :

  1. La violence :

Il existe toujours un rapport de domination entre la victime et les harceleurs. Souvent cette violence est dure à déceler car insidieuse.

Ces harcèlements varient : cela peut se manifester par des moqueries, des insultes, des jets de nourriture à la cantine.

On note aussi, des menaces, des agressions physiques, des messages injurieux, des fausses rumeurs répandues auprès d’autres élèves.

Mais ce peut être également des humiliations publiques, du chantage à la diffusion de photos privées, etc.

  1. La récurrence :

Quel que soit le harcèlement, la loi impose la répétition comme condition pour répondre à la définition de l’infraction. 

 

  1. Un isolement de l’enfant victime :

Souvent la victime est plus faible ou dans l’incapacité de se défendre et son isolement s’aggrave

La victime n’ose sortir du silence de peur des représailles ou de ne pas être crue. 

Des signes permettent de repérer les difficultés rencontrées par l’enfant :

  • anxiété, maux de ventre, anorexie
  • résultats scolaires en chute
  • automutilation
  • troubles du sommeil, irritabilité, colères, susceptibilité, changement de comportement de manière générale.

Le coin du juriste

Le harcèlement scolaire se produit le plus souvent entre élèves.

Il peut aussi provenir de toute personne adulte exerçant une activité professionnelle au sein d’un établissement d’enseignement ou en contact avec les mineurs.

le cyberharcèlement, c’est quoi exactement ?

Le harcèlement pratiqué par le biais d’internet constitue un cyberharcèlement. 

Ces comportements constitutifs de cyberharcèlement sont les mêmes que pour le harcèlement classique.

Ce sont des intimidations, moqueries, insultes. 

En outre, s’ajoutent la propagation de fausses rumeurs, le piratage de comptes internet la publication d’images compromettantes ou encore le sexting (divulgation de photos à caractère sexuel).

Sur quoi se fonde le harcèlement ?

La plupart du temps, le harcèlement repose sur des critères différenciant la victime par rapport au reste du groupe :

  • sexe, identité, genre : orientation sexuelle (supposée ou avérée), manière de s’habiller ;
  • le physique : taille, poids, couleur de peau ou de cheveux, etc.
  • le handicap physique, mental ou trouble affectant la parole (zézaiement, bégaiement) ;
  • une culture différente, un mode de vie différent ou des centres d’intérêt divergents par rapport à la majorité etc.

Le harcèlement revêt différentes formes et se manifeste à des occasions très différentes en fonction du milieu social, de l’environnement scolaire, de l’âge et du sexe des victimes/auteurs.

Les jeux dangereux sont-ils du harcèlement ?

Les jeux dangereux se répandent et constituent parfois des défis lancés entre élèves, sans exercer de pression.

Toutefois, la pression d’un groupe sur un élève vulnérable s’assimile à du harcèlement et peut engendrer de graves conséquences.

Quelques exemples de jeux :

  • Celui « du foulard », le « rêve indien », le « jeu de la tomate » : ces « jeux » consistent à amener l’élève à l’évanouissement et l’asphyxie.
  • Ou encore des « claques joyeuses », le « petit pont massacreur », le « jeu de l’anniversaire » ou du « coiffeur », le « catch » : ces « jeux » filmés consistent à désigner une cible qui sera victime de claques, de coups etc.
  • Les défis : les enfants sont testés afin de savoir s’ils sont capables ou non de relever un défi dangereux ou interdits’

Vous pensez que votre enfant est victime de harcèlement ? Comment réagir ?

  • se renseigner sur le site nonauharcelement.education.gouv.fr;
  • appeler éventuellement le numéro vert 3020 « Non au harcèlement »;
  • alerter les enseignants dont le rôle est de protéger les élèves ;
  • prévenir le directeur de l’établissement ;
  • informer le rectorat si le problème ne se résout pas au niveau du directeur d’établissement ;
  • déposer plainte auprès d’un commissariat, de la gendarmerie, ou du procureur de la République (par courrier) contre l’auteur ou contre X s’il n’est pas identifié.

Attention, les parents disposent d’un délai de six ans à compter des derniers faits de harcèlement pour déposer plainte. Au-delà, la prescription s’impose.

  • en cas d’urgence, appeler le 17 ou le 112 (numéro d’urgence européen).

 

Pour du cyberharcèlement, 

  • appeler le numéro vert dédié, le 3018 « Cyberviolences » ;
  • demander le retrait des publications litigieuses à l’auteur ou au responsable du média (forum, réseau social) sur lequel la publication a eu lieu (Facebook, TikTok, Instagram, Twitter, Snapchat, etc.) ;
  • signaler le contenu illégal sur le site dédié PHAROS https://www.internet-signalement.gouv.fr/PharosS1/

Le coin du juriste

II est important de se constituer des preuves des faits, qu’elles soient écrites, audios ou vidéos. 

En effet au niveau pénal, la preuve se fait par tout moyen (y compris des témoignages). Il faut par ailleurs de recueillir les informations suivantes : identité du ou des auteurs présumés, dates et lieux des faits, nature des faits (insultes, blessures, etc.).

Quelles sanctions encourent les auteurs de harcèlement scolaire ?

D'un point de vue pénal

Suite à une plainte, le procureur de la République établit la réalité et la gravité des faits puis décide d’une sanction en fonction de l’âge des victime et auteurs, des faits, de la nature des atteintes portées etc.

Divers articles du code pénal traitent du harcèlement moral, mais l’un d’eux vise spécifiquement le harcèlement scolaire et prévoit les sanctions suivantes : 

  1. trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail ;
  2. cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;
  3. dix ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. 
 

ATTENTION Il s’agit ici de peines maximales pour les faits les plus graves.

Lorsque l’auteur des faits est mineur, le juge aura tendance à privilégier des peines à vocation éducative.

D'un point de vue disciplinaire (sanction prononcée par l'établissement scolaire)

Il n’existe pas de sanction spécifique pour les faits de harcèlement scolaire.

Les sanctions sont déterminées le plus souvent par le règlement intérieur et diffèrent selon que les faits ont lieu dans un établissement du premier ou du second degré et que l’on est dans le public ou le privé.

Dans le premier degré

Pour les écoles maternelles et élémentaires publiques, le règlement intérieur prévoit les différents types de sanctions, sachant qu’il existe des règlements départementaux type sur lesquels se calquer.

Les mesures doivent toujours favoriser l’épanouissement individuel de l’enfant.

Une circulaire de 1991 impose aux inspecteurs académiques d’interdire toute sanction pour les enfants des écoles maternelles.

Il est seulement autorisé l’isolement et le retrait provisoire de l’école.

A l’école élémentaire, il n’existe pas à proprement parler de sanction mais plutôt des réprimandes, portées à la connaissance des parents.

Dans certains cas, pour des faits graves tels quel des violences, il peut être décidé d’un changement d’école.

Dans le privé, c’est le règlement intérieur qui régit l’intégralité des rapports entre l’établissement et les parents de l’enfant.  

Dans le second degré (public et privé)

 L’enfant qui a commis les actes réprimandés pourra, à l’initiative du chef d’établissement, faire l’objet d’une procédure disciplinaire si cela est prévu dans le règlement intérieur.

Le chef d’établissement doit engager une procédure disciplinaire quand un élève a commis un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un autre élève. Les sanctions peuvent aller de l’avertissement à l’exclusion définitive de l’établissement, en passant par des mesures intermédiaires de responsabilisation ou d’exclusion temporaire etc.

D'un point de vue civil

Il faut rappeler qu’outre les sanctions disciplinaires prononcées par l’établissement et les sanctions pénales (amendes, prison ou autre), des recours civils existent. En effet, les parents ou responsables légaux de manière générale (tuteur par exemple) sont responsables du fait des personnes qu’ils ont sous leur garde, notamment leurs enfants mineurs.
 

Le Code civil dispose ainsi : « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux »

Focus pratique sur l’indemnisation

Le coin du juriste

Que le recours soit porté au pénal ou au civil, il est possible d’obtenir une indemnisation pour les préjudices y compris moraux subis par la victime ou ses proches. 

Devant les juridictions pénales, il convient de se « constituer partie civile » afin d’obtenir du juge la condamnation des coupables à verser des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis.

Cette indemnisation peut couvrir les éventuels dommages matériels (vêtements endommagés, lunettes cassées etc.), les frais médicaux (hospitalisation, soins dentaires, soins de chirurgie esthétique pour des blessures au visage, consultation de psychiatre) mais aussi le préjudice moral subi par l’élève ou par les parents si l’enfant est décédé par exemple. Cette indemnisation intervient en parallèle des sanctions prononcées contre l’auteur des faits (prison, amende).

Devant les juridictions civiles, l’action aura pour seule finalité d’obtenir une indemnisation financière du préjudice. A noter que l’assurance responsabilité civile des parents fonctionne dans ce genre de cas.

Recommandation de lecture