Audrey Marcourt

Retraites : Juridica fait le point de la dernière réforme # 1

L’entrée en vigueur de la loi est prévue pour la majeure partie de ses dispositions au 1er septembre 2023, à l’exception de certaines mesures, applicables dès le lendemain de la publication de la loi.

A ce jour (15 juin 2023), deux décrets d’application (2023-435 et 2023-436) sont parus, sur les trente-et-un textes prévus pour la réforme

Sommaire

Allongement de l’âge de départ à la retraite et durée de cotisation (et périodes assimilées)     

Disposition générales

  • L’âge légal de la retraite se relèvera  progressivement à partir du 1er septembre 2023 à 64 ans, contre 62 actuellement et ce pour les générations nées après le 31 août 1961. L’âge de départ à la retraite augmentera par palier de trois mois par génération. Les premières à atteindre 64 ans seront les générations nées à partir du 1er janvier 1968 (en 2030).
  • Par ailleurs, la durée de cotisation nécessaire pour pouvoir toucher une retraite à taux plein est portée à 43 ans, soit cent soixante-douze trimestres. Cet allongement sera progressif jusqu’à 2027, à raison d’un trimestre par an.
  • Enfin, concernant les personnes qui n’auront pas cotisé 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein automatique, sans subir de décote, reste de 67 ans.

 

Le décret d’application de ces mesures prévoit une faculté pour les assurés qui auraient déjà demandé la liquidation de leur retraite d’annuler une pension déjà liquidée ou une demande de retraite dont la date d’effet est le 1er septembre 2023. Attention, cette faculté est ouverte uniquement entre le 5 juin et le 31 octobre 2023.

Ces mesures s’appliquent à tous les assurés du régime général, salariés, non-salariés agricoles, travailleurs indépendants.

Pour certains régimes (professionnels libéraux), les caisses devront modifier leurs statuts afin de relever progressivement l’âge légal de départ. A noter que les fonctionnaires sont également visés par cette mesure.

Mesures touchant à la famille

  • De fait, la réforme des retraites abolit le système en place qui permettait aux mères de famille de bénéficier de trimestres gratuits en contrepartie de l’incidence de cette maternité sur leur carrière professionnelle 

Toutefois, les mères de famille auront la garantie de bénéficier d’au moins deux trimestres de majoration pour éducation de chaque enfant mineur. De plus, une surcote anticipée (1,25% par trimestre et jusqu’à 5% au maximum) pourra être appliquée dès lors que la mère de famille aura une carrière complète à 63 ans et au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants (à ce jour les mères peuvent partir à 62 ans et bénéficient au-delà d’une surcote de 10 %).

  • En cas de décès de l’enfant avant ses 4 ans, les parents pourront désormais bénéficier de l’intégralité de la majoration.
  • Un parent reconnu violent ou maltraitant pourra être déchu de la majoration des trimestres pour éducation.

Actuellement, un parent privé de l’autorité parentale ne peut pas bénéficier de cette majoration. Un nouveau cas de privation de la majoration est introduit par la loi :  le cas où un parent est privé de l’autorité parentale par le juge pénal en raison d’une condamnation pour un délit ou un crime à l’encontre de l’enfant, peu importe son âge.

  • En outre, les salariés et travailleurs indépendants relevant du régime général (artisans, commerçants, professions libérales ne relevant pas de la Cnav), bénéficient d’une majoration de 10 % de leur pension de retraite s’ils ont eu trois enfants ou plus. Le bénéfice de cette majoration est étendu aux professions libérales relevant de la Cnav et aux avocats.

Prise en compte de certains stages de formation

A ce jour, aucune validation de trimestres d’assurance retraite n’était prévue au titre de l’accomplissement de stages de formation professionnelle. La réforme des retraites modifie cela en permettant désormais l’assimilation de certaines périodes de stages à des périodes de cotisation :

  • les stages dont les cotisations sociales ont été prises en charge par l’Etat et dont la finalité est l’insertion dans l’emploi par la pratique d’une activité professionnelle (ces dispositions sont à définir par un décret à paraître) ;
  • les stages réalisés par des jeunes de 18 à 26 ans (selon les conditions de l’article 3 de la loi n°79-575 du 10 juillet 1979) ;
  • les stages d’initiation à la vie professionnelle suivis par des jeunes de 16 à 25 ans dans les conditions de l’ancien article L. 980-9 du Code du travail. Pour simplifier, sont visés certains stages effectués par les jeunes dans les années 1980 et mis en place à cette époque dans le but de remédier au taux de chômage important. Un décret doit paraître pour préciser le dispositif mais en principe les TUC (travaux d’utilité collective), les stages du plan Barre (1977 à 1988), les stages jeunes volontaires (1982 à 1987) ainsi que les programmes d’insertion locale sont visés (1987-1990).

Rachat de trimestres

 Les textes permettent le rachat de trimestres dans certaines situations de carrières incomplètes. Il peut s’agir de personnes ayant pratiqué le sport à haut niveau, ayant effectué des années d’études supérieures, des périodes de stage, etc.

  • Sportifs de haut niveau : actuellement, l’inscription sur la liste d’un sport de haut niveau permet de valider au maximum seize trimestres. La loi prévoit d’augmenter cette limite et de permettre à ces sportifs de racheter des trimestres (par décret à paraître).
  • Etudes supérieures : dans les dix années suivant la fin des études, un assuré peut actuellement procéder au rachat de trimestres pour études supérieures. La loi prévoit désormais que ces trimestres pourront être acquis jusqu’à un âge qui doit être défini par décret (sans être inférieur à 30 ans).
  • Stages : les étudiants ayant effectué un stage peuvent demander le rachat de périodes de stages en entreprise, dans la limite de deux trimestres. Actuellement cette demande ne peut être formulée que dans les deux années suivant le stage. La loi prévoit qu’il sera désormais possible de présenter cette demande jusqu’à un âge devant être déterminé par décret, sans être inférieur à 25 ans).

Mesures pour les aidants

Le système actuel prévoit déjà des dispositions spécifiques à destination des aidants qui interrompent ou réduisent leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants. Il s’agit de l’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), consistant en l’affiliation gratuite à l’assurance vieillesse pour les allocataires de certaines prestations familiales.

Par le biais de la réforme, le dispositif est étendu à de nouveaux bénéficiaires et est dénommé l’Assurance vieillesse des aidants (AVA), laissant subsister l’AVPF pour les seuls bénéficiaires d’allocations familiales.

Auparavant étaient seulement éligibles les aidants dont l’enfant a un taux d’incapacité d’au moins 80 %.

Les nouveaux bénéficiaires sont :

  • les personnes ayant la charge d’un enfant handicapé (taux d’incapacité entre 50 et 79 %) non admis dans un internat et étant éligible au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (à condition de n’exercer aucune activité professionnelle ou seulement à titre partiel). Par ailleurs, les conditions d’affiliation des aidants d’adultes handicapés sont assouplies dans le cadre de l’AVA, notamment la condition de cohabitation avec la personne aidée, qui est supprimée et l’élargissement de la notion d’aidant (le lien familial n’est plus requis). Nous n’aborderons pas ce volet plus en détail ;
  • les bénéficiaires de l’Allocation journalière de présence parentale (AJPP) ;
  • la personne recevant l’allocation journalière de proche aidant, le salarié bénéficiaire du congé de proche aidant ;
  • le travailleur non salarié (TNS) et son conjoint collaborateur qui interrompt son activité pour s’occuper d’un proche handicapé ou en perte d’autonomie (pour un an maximum).

Le décret d’application introduit une nouvelle mesure, à savoir que les trimestres d’assurance acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer ou de la nouvelle assurance des aidants seront désormais pris en compte dans le calcul de la durée d’assurance requise pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, dans une limite fixée à quatre trimestres.

Pension pour les orphelins

Désormais, ces enfants, pourront toucher une pension d’orphelin (s’ils appartenaient au régime général). Le montant de la pension, qui correspondra à un pourcentage de la pension dont aurait pu bénéficier le parent, sera déterminé par décret.

La pension d’orphelin du régime général sera versée sur le compte de dépôt personnel de l’orphelin jusqu’à un âge fixé par décret, probablement 21 ans. Cet âge pouvant être majoré si ses revenus d’activité ne dépassent pas un certain plafond.

L’adoption plénière ou le retour du parent mettront fin au versement de la pension.

Amélioration du niveau de retraite

Minima de pension

Retraites liquidées à partir du 1er septembre 2023

La loi revalorise la retraite minimale (liquidée à partir du 1er septembre 2023) à 1 200 euros bruts par mois pour une carrière complète cotisée à taux plein au SMIC, les carrières hachées ou à temps partiel étant exclues. L’objectif est que la pension minimale perçue soit équivalente à 85 % du SMIC net lors de sa liquidation.

Pour rappel, le minimum de pension actuel s’appelle Mico (minimum contributif) dans le régime général et les régimes alignés. Il se nomme PMR (pension majorée de référence) pour les non-salariés agricoles. Ces minima pourront être majorés à condition d’avoir cotisé au moins cent-vingt trimestres.

Les montants du Mico et de la PMR seront augmentés par décret pour les pensions prenant effet dès le 1er septembre 2023. Celles liquidées antérieurement seront revalorisées. Pour les non-salariés agricoles, la PMR sera relevée de 100 € environ (décret à paraître).

Le sort des artisans et commerçants devrait être discuté avec les organisations professionnelles.

Il faudra donc attendre la sortie des décrets pour avoir plus de détails sur ces revalorisations.

Retraites déjà liquidées

Les petites retraites liquidées avant le 31 août seront quant à elles revalorisées. Un décret doit paraître mais, d’après les travaux parlementaires, le montant de cette majoration devrait atteindre 100 euros dès lors que l’assuré justifie d’une carrière complète et d’un nombre minimal de trimestres (qui devrait être fixé à cent-vingt). Pour les autres, le montant de la majoration sera réduit à due concurrence (des trimestres manquants).

Cette majoration sera due à compter du 1er septembre et versée au plus tard en septembre 2024.

A noter : la majoration des retraites actuelles ne devra pas porter la pension de base au-delà du niveau que permet d’atteindre le Mico majoré revalorisé.

Indexation sur le Smic

La loi prévoit désormais que l’indexation lors du départ en retraite ne se fera plus sur l’inflation mais sur l’évolution du Smic pour les pensions minimales. Les années suivantes, leur indexation restera toutefois fixée par rapport à l’inflation.

Dispositions spécifiques aux petites pensions agricoles

Les conditions d’éligibilité aux dispositifs de majoration des points de retraite pour les exploitants agricoles modestes sont assouplies.

Actuellement, il est possible pour des exploitants de bénéficier :

  • de points gratuits au titre des années accomplies avant la mise en œuvre du système de retraite complémentaire obligatoire (RCO) ;
  • du CDRCO (complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire). Sont visés les agriculteurs dont la retraite de base a pris effet à partir du 1er janvier 1997.

Les conditions pour bénéficier de ces deux dispositifs :

  • une durée d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes au moins égale à celle requise pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime d’assurance vieillesse des professions salariées agricoles ;
  • des périodes minimales d’assurance effectuées en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre exclusif ou principal.

Par le biais de la réforme, les modalités d’accès aux dispositions de la récente loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 dite Chassaigne 2 sont assouplies, pour les agriculteurs bénéficiant du taux plein mais pas de la durée d’assurance requise. Il leur est désormais possible :

  • d’acquérir des points gratuits de RCO pour la période du 1er janvier 1997 au 1er janvier 2003 ;
  • de bénéficier du CDRCO pour les années postérieures au 1er janvier 1997.

 Retraites anticipées

Dispositif pour les carrières longues

Les dispositifs liés aux carrières longues sont adaptés. L’âge de départ à la retraite diffèrera selon l’âge auquel les salariés ont commencé à travailler. Le dispositif s’applique aux salariés du régime général, aux professions libérales, aux avocats et aux non-salariés agricoles.

La loi modifie le dispositif longue carrière en l’organisant en quatre bornes pour les assurés nés à partir de 1968 :

Age de début d’activité

Age de départ anticipé

Trimestres cotisés

16 ans

A partir de 58 ans

172

entre 16 et 18 ans

A partir de 60 ans

172

entre 18 et 20 ans

A partir de 62 ans

172

entre 20 et 21 ans

A partir à 63 ans

172

Certains critères cumulatifs devront être remplis. A défaut, certaines carrières longues devront donc cotiser plus de quarante-trois ans.

Le décret d’application ajoute une exception pour les assurés ayant commencé à travailler avant vingt ans, dès lors qu’ils sont nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 août 1963. Pour eux uniquement, l’âge de départ restera de 60 ans, malgré le report progressif de l’âge de départ de 62 à 64 ans.

Le décret instaure par ailleurs une clause de sauvegarde au bénéfice des assurés devenus inéligibles au dispositif de départ anticipé du fait du relèvement de la durée d’assurance requise. Cette clause a pour but de permettre aux assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 août 1963 de se voir appliquer le dispositif relatif aux carrières longues, dans la version antérieure à la réforme, pour une retraite prenant effet à partir du 1er septembre 2023. Concrètement, cela signifie qu’une personne qui n’aurait pas cotisé 170 trimestres (durée désormais requise), pourrait tout de même partir en retraite anticipée au 1er septembre, dès lors qu’elle en remplissait bien les conditions avant cette date.

Tableau des âges de départ anticipé pour les générations nées entre le 1er septembre 1963 et le 31 décembre 1968

Age de départ anticipé possible

Période de naissance

60 ans et trois mois

1er septembre 1963 au 31 décembre 1963

60 ans et six mois

Année 1964

60 ans et neuf mois

Année 1965

61 ans

Année 1966

61 ans et trois mois

Année 1967

61 ans et six mois

Année 1968

61 ans et neuf mois

Année 1969

Aucune disposition n’a été envisagée pour les assurés bénéficiaires d’une carrière longue, au titre de la nouvelle borne d’âge fixée à 21 ans qui, si l’on applique la réforme à la lettre dès le 1er septembre 2023, ne pourront partir qu’à partir de l’âge de 63 ans (sans montée progressive), alors que selon le régime de droit commun, il serait de 62 ans et 3 mois. Ce régime étant défavorable à ces assurés, il est probable que de fait, les dispositions ne soient appliquées que pour ceux étant nés à partir de 1965.

 Abaissement de l’âge pour certains assurés

Le législateur a aménagé le dispositif en instaurant des mesures spécifiques aux travailleurs se trouvant dans certaines situations :

  • Handicap : les personnes atteintes d’un handicap leur causant une incapacité permanente d’au moins 50 % pourront prendre leur retraite anticipée dès 55 ans. Afin de palier les effets de l’accélération du calendrier Touraine augmentant la durée de cotisation requise, le décret augmente le nombre de trimestres à déduire de la durée de cotisation de droit commun (pour les assurés nés avant le 1er janvier 1973).
  • En incapacité permanente : le taux d’incapacité permanente permettant d’avoir recours à la commission médicale de l’organisme de retraite est abaissé de 80 % à 50 %.
  • Carrière pénible : sont visés les assurés ayant un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail. L’âge de départ en retraite est de 60 ans.

 

Pour les autres, atteints d’une incapacité inférieure à 20 %, mais au moins de 10 % et exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, l’âge de départ n’est plus de 60 ans. Il sera désormais de deux ans de moins que l’âge normal (soit 62 ans au lieu de 64).

  • Inaptitude au travail : pour les salariés reconnus inaptes au travail et qui ne seraient pas en mesure de poursuivre une activité sans nuire à leur santé, possibilité de partir à la retraite dès 62 ans (à taux plein). Cette mesure vaudra également pour ceux justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à taux fixé par un futur décret (même si non reconnus inaptes au travail).

 

Aux termes du décret d’application, l’instruction des dossiers par la commission pluridisciplinaire est facilitée.

Aujourd’hui, le fait qu’une activité ait été exercée par un assuré pendant dix-sept ans et soit inscrite sur les listes de métiers ou activités particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques, peut servir de justificatif permettant d’établir un lien entre l’incapacité et l’exposition à des facteurs de risque. Désormais, le simple fait que le métier exercé figure sur une liste des activités exposant à des contraintes physiques marquées établies par les branches professionnelles pourra constituer un tel justificatif.

Par ailleurs, il n’y aura plus de condition d’identité des lésions avec les lésions indemnisées au titre des maladies professionnelles pour les assurés ayant une incapacité permanente consécutive à un accident du travail d’un taux compris entre 10 % et moins de 20 %.

Le coin du juriste

Bon à savoir :  les professions libérales relevant de la Cnav relèvent de dix sections professionnelles précises (notaires, officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires, médecins, chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, pharmaciens, auxiliaires médicaux, vétérinaires, agents généraux d’assurance, experts-comptables et enfin les professionnels relevant de la Cipav soit les architectes, moniteurs de ski, psychothérapeutes).

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